Docteur, vous avez dit azoospermie ? Ce qu’il faut savoir sur l'interprétation du spermogramme
- Dr Lucile Ferreux

- 20 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 oct.

Vous et votre partenaire avez décidé de concevoir un enfant, mais les choses prennent plus de temps que prévu. Lors d’un bilan, on vous parle d’azoospermie. Ce terme peut inquiéter, mais comprendre ce qu’il signifie est une première étape essentielle pour avancer.
Qu’est-ce que l’azoospermie ?
L’azoospermie désigne l’absence totale de spermatozoïdes dans l’éjaculat, observée lors d’un spermogramme. Cela signifie qu’au moment de l’éjaculation, aucun spermatozoïde n’est détectable dans le liquide séminal, ce qui rend naturellement impossible une fécondation sans assistance médicale.
Ce diagnostic ne remet pas en cause votre virilité, ni votre identité d’homme. Il s’agit d’un trouble de la fertilité, et non d’un jugement sur votre masculinité. De plus, des solutions existent dans certains cas pour continuer votre projet parental avec vos propres spermatozoïdes ou envisager d’autres voies vers la parentalité.
Est-ce fréquent ?
L’azoospermie touche environ 1 % des hommes dans la population générale, et jusqu’à 15 % de ceux qui consultent pour infertilité (1). Cela reste rare, mais vous n’êtes pas seul : chaque année, des milliers d’hommes font face à ce diagnostic et entreprennent un parcours d’évaluation et de traitement.
Comment l’azoospermie est-elle
diagnostiquée ?
Un seul spermogramme ne suffit pas pour confirmer l’azoospermie. Il faut réaliser au moins deux analyses, à trois mois d’intervalle, afin de tenir compte du cycle de production des spermatozoïdes (la spermatogenèse), qui dure environ 74 jours.
Lors de ces analyses, le sperme est soumis à une centrifugation : une technique de laboratoire qui fait tourner l’échantillon très rapidement. Cela permet de concentrer les cellules au fond du tube (le culot de centrifugation), qui est ensuite examiné au microscope entre lame et lamelle. C’est ainsi que l’on peut confirmer s’il y a, ou non, des spermatozoïdes, même en très faible quantité.

Quels sont les types d’azoospermie ?
On distingue deux formes principales d’azoospermie, dont les causes et les implications sont très différentes.
🔸 Azoospermie obstructive (ou excrétoire)
Dans cette forme, les spermatozoïdes sont bien produits par les testicules, mais un obstacle ou un défaut des voies génitales empêche leur passage vers l'extérieur. Elle représente environ 35 % des azoospermies.
Exemples de causes :
Congénitales : malformations des canaux déférents, agénésie congénitale des canaux liés à des mutations du gène CFTR (associées à la mucoviscidose).
Acquises : séquelles d’infections (épididymites, orchi-épididymites), vasectomie, traumatisme ou chirurgie pelvienne.
➡️ Dans de nombreux cas, les spermatozoïdes peuvent être récupérés directement à la source, via une ponction de l’épididyme ou une biopsie testiculaire, par acte chirurgical.
🔸 Azoospermie non obstructive (ou sécrétoire)
Ici, le problème vient de la production elle-même : les testicules ne produisent pas ou très peu de spermatozoïdes. Cette forme représente environ 65 % des cas.
Exemples de causes :
Génétiques (~15 %) :
Syndrome de Klinefelter (47,XXY) : anomalie chromosomique fréquente dans l’azoospermie non obstructive (voir l’article dédié au sujet).
Microdélétions du chromosome Y, notamment dans la région AZF (Azoospermia Factor).
Hormonales :
Dysfonction de l’axe hypothalamo-hypophysaire (FSH, LH, testostérone).
Hypogonadisme d’origine centrale (ex : syndrome de Kallmann).
Testiculaires :
Séquelles de chimiothérapie, radiothérapie, torsion testiculaire, traumatisme, infections virales (ex : oreillons).
Environnementales :
Expositions prolongées à certains produits (pesticides, solvants, chaleur excessive), sur un terrain génétique prédisposant.
Multifactorielles ou idiopathiques :
Dans près de 50 % des cas, aucune cause évidente n’est identifiée (2).
Que faire après un diagnostic d’azoospermie ?
Étape 1 : Établir la cause
Votre médecin (urologue, andrologue, gynécologue ou biologiste de la reproduction) prescrira un bilan complet :
Bilan hormonal : FSH, LH, testostérone, inhibine B…
Imagerie : échographie testiculaire, pour évaluer précisément le volume des testicules, leur aspect et à la recherche d’anomalies vasculaires. Une échographie des voies séminales profondes peut être indiquée pour préciser la localisation d’une obstruction.
Bilan génétique : caryotype, microdélétions du chromosome Y, analyse du gène CFTR.
Étape 2 : Envisager les solutions
Selon le type d’azoospermie et les résultats des examens, plusieurs options peuvent être discutées.
🔹 Récupération de spermatozoïdes
En cas d’azoospermie obstructive, une ponction épididymaire ou biopsie testiculaire (ou TESE en anglais pour "Testicular Sperm Extraction") permet souvent de récupérer des spermatozoïdes utilisables.
En azoospermie non obstructive, une biopsie testiculaire peut permettre de retrouver des foyers de spermatogenèse (dans 30 à 60 % des cas selon les profils).
Les spermatozoïdes prélevés peuvent être congelés puis être utilisés pour une fécondation in vitro avec ICSI (injection intra-cytoplasmique du spermatozoïde dans l’ovocyte).
🔹 Traitement hormonal
Dans certains cas bien identifiés (trouble hormonal d’origine centrale), une hormonothérapie de stimulation peut rétablir une production spermatique.
🔹 Alternatives
Don de sperme, via les Centres d’Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme (CECOS).
Adoption, projet de vie qui peut aussi être envisagé.
Prévention : penser à congeler ses spermatozoïdes avant qu’il ne soit trop tard
L’azoospermie n’apparaît pas toujours brutalement. Certaines formes dites secondaires et idiopathiques peuvent survenir progressivement chez des hommes qui, à l’origine, avaient une faible concentration de spermatozoïdes dans leur sperme. C’est notamment le cas des hommes souffrant d’oligospermie sévère, c’est-à-dire une concentration inférieure à 5 millions/ml, et surtout inférieure à 1 million/ml.
Une large étude canadienne récente, menée sur plus de 1000 hommes suivis sur plusieurs années, a montré que près d’un homme sur trois ayant une oligospermie extrême (< 1 million/ml) évolue vers une azoospermie complète en l’espace de cinq ans.
Le risque est plus faible chez les hommes avec des concentrations supérieures à 5 millions/ml, mais il augmente de manière significative avec la baisse du nombre de spermatozoïdes (2).
Ce phénomène, appelé azoospermie secondaire idiopathique, n’a pas toujours de cause clairement identifiable. Cependant, un taux bas de testostérone a été identifié comme facteur de risque supplémentaire. La dégradation de la spermatogenèse semble progressive, et souvent irréversible.
➡️ C’est pourquoi, en cas d’oligospermie sévère, il est fortement recommandé de discuter avec votre médecin de l’opportunité de faire congeler votre sperme. Cette démarche, appelée sperm banking, permet de préserver vos chances de paternité, même en cas d’aggravation ultérieure.
La congélation de spermatozoïdes est un acte simple, rapide, et encadré médicalement. Elle constitue une forme de prévention précieuse pour conserver une chance d’avoir un enfant plus tard, notamment en cas de recours à une fécondation in vitro avec ICSI.
Un accompagnement médical et psychologique essentiel
Recevoir un diagnostic d’azoospermie peut être un choc. Il est naturel de ressentir de la frustration, de la tristesse, voire un sentiment d’échec. N’hésitez pas à parler à un professionnel, seul ou avec votre partenaire. Un soutien psychologique adapté peut vous aider à traverser cette étape, sans vous enfermer dans l’isolement.
En résumé
L’azoospermie concerne 1 % des hommes et jusqu’à 15 % des hommes infertiles.
Elle est confirmée après deux spermogrammes espacés de trois mois.
On distingue deux formes : obstructive (les spermatozoïdes sont produits mais bloqués) et non obstructive (production altérée).
Un bilan médical complet permet de mieux comprendre la situation.
Des solutions existent dans de nombreux cas, y compris des techniques de récupération de spermatozoïdes.
Le don de sperme ou l’adoption peuvent également être envisagés.
Prenez soin de vous
Ne restez pas seul face aux questions ou à l’incertitude. Un dialogue ouvert avec votre médecin est un point de départ indispensable. La fertilité masculine est un sujet de santé à part entière, et chaque parcours est unique.
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